fchazal, quondam incipio auctor ab MMVII

Mois : novembre 2023

Mimine, adieu…

Rassure-toi, je ne pleurerai pas, tu me l’as fait promettre voici 6 mois de cela. Tu n’étais pas là et c’était déjà un pilier qu’on enlevait de mes fondations. Aujourd’hui on retire le dernier, j’espère que la maison est solide, nous verrons…

Mes souvenirs sont biens confus, autrefois la Mamy stricte du brossage de quenottes obligatoire, de la marche digestive imposée. Les vacances chez toi avaient par moment des avant-goûts de service militaire ponctué de ces morceaux de chocolat distribués avec malice.

Avec l’âge les souvenirs se meuvent et peu à peu le Caporal Quenotte a cédé la place à ma Mamy sourire, ma Bonnemine, ma mimine, toujours à vouloir sourire à la vie. Tu étais la Mamy tarte au thon, framboisier, guignolet et – il va sans dire – pain-beurre-chocolat ! On devrait l’écrire sur le marbre celle-là, on y est tous passés, on y a tous gouté, on l’a tous plébiscité.

Alors pour tout le monde, c’est pas compliqué, vous prenez du Lindt au lait (les marques c’est important avec toi) comme tu l’aimais, vous le rapez avec le couteau en morceaux inégaux (oui ça fait partie du plaisir), vous prenez du Plantafin (oui c’est pas du beurre mais c’était comme ça chez toi et le goût est inimitable) et une baguette fraîche (une vraie baguette, le goût du pain, du vrai, du bon, tu l’avais dans le sang), pour l’assemblage, rien de plus facile, on met une belle couche de margarine sur une belle tranche de pain et on l’écrase avec doigté sur l’assiette remplie de copeaux de chocolats. Succès garanti, le Nutella tu ne connaissais pas !

Chez toi, c’était confiture de griotte, fruits de saison et bon pain, sourire de rigueur, joie de vivre et bonne chère. On y mangeait bien, ma gourmandise doit venir de là.

Oui, oui, je sais Mamy, j’en ai un peu trop profité dernièrement… Je vais faire un effort, promis. Regarde déjà, j’ai pris un peu de couleurs en Bretagne ! C’est pas comme les cousins, toujours hâlés… Qu’y puis-je si je suis tombé du côté cérébro-maladif de la famille ?

Non, non, je ne me plains pas, ne pas se plaindre… jamais… c’est IN-TER-DIT ! Ah ça, la fin a été pénible pour toi, cela devenait difficile de ne pas t’attrister en te voyant diminuer jour après jour.

Chez toi c’était Sardou, 4-21, rigolades et magazine de la santé, non que les sujets t’intéressaient particulièrement, mais bon il faut avouer qu’il était tellement drôle Michel Cymès. C’est comme la carte aux trésor, c’était beau tous ces paysages, le reste n’avait que peu d’importance. Voilà ta marque de fabrique, ne te prends pas au sérieux, regarde le beau, profite du drôle, et avance malgré les épreuves.

Car les épreuves, tu en as eu ton lot… Fille cadette d’une grande famille, ils sont tous partis l’un après l’autre, ton mari aussi, t’offrant une troisième vie bien remplie, les voyages, les sorties, et puis Papy et Mamie aussi. Elle, elle t’en a fait un coup ; c’était il y a 6 mois, deux jumelles aussi contrastées que Janus. Encore une fois tu étais la cadette mais de peu… Certes, tu rigolais mieux avec Papy mais lui ça fait longtemps, il est vrai qu’on ne l’oublie pas facilement ce pitre selon Saint Mathieu.

Ton divan c’était la table de la cuisine, on y partageait tout, la boisson, les confidences, les souvenirs, les tartes aux abricot. Ah ça, si les murs pouvaient parler, cette pièce serait un hall de gare.

On y a partagé jusqu’au bout… Vers la fin tu n’étais qu’une petite brindille mais toujours le sourire aux lèvres, de plus en plus crispé, la vie n’était plus drôle. Plus de jardin, plus de télé, plus rien… Toi qui avait fait de ta vie un mouvement incessant, tu ne pouvais plus rien, n’avais plus goût à rien. Cette pensée qui t’assaillais jour après jour s’est enfin tue, et te voici enfin en paix.

Malgré ma promesse, tu n’empêcheras pas ma tristesse. Tu resteras mon rayon de soleil, ma mimine…

Choisir sans objet…

J’avance dans le noir, trébuche, vacille et continue la marche. Ici nul cafard, juste la triste réalité d’une vie sans objet. Finies les espérances, oubliées les souffrances des actes inachevées, sabordés ou volés.

Dans cet aller sans retour d’une vie sans raison, je vais serein, j’avance attentif à ces petits moments, ces petits riens qui chaque pas faisant offrent au quotidien ses petites joies, ses émerveillements de l’enfant.

Mais la nuit est bien sombre et sans objet, je erre et poursuis ma route sans la voir ni la cerner, pour seul certitude une fin tardive ou prochaine. Qui sait donc ce que demain me réserve ?

Alors j’avance, zombie qui s’ignore, j’avance et parfois me réveille de ce songe de vivant, et parfois vois la folie dans cet quête sans but si ce n’est la fleur du chemin. Est-ce là déraison ou sagesse ?

Est-ce là douce folie qu’un monde où l’oubli donne la lumière et les buts posent les chaines ? Dois-je me réveiller ou bien accepter cette condition humaine qui impose les questions et refuse les réponses ?

Seule certitude, ce choix incessant, l’embrasement de l’âme qui désir qu’on s’en saisisse et qu’on tranche pour la vie, l’engagement alors même que tout ceci semble si vide, si creux, si limité… Dormir !

Deux Ponts et l’Aven… ture

La ville est bourgeoise, massive, à flanc de coteaux. Nuls colombages dans ces maisons de pierre qui jalonnent le cour dont la ville porte le nom.

Comme sorties du sous-sol, accrochée, indomptables, les masures rugueuses nous regardent arpenter les petites ruelles gorgées des aoutiens en quête de confiseries.

Pont-aven se dévoile en arrière cour, dans une promenade plantée rigolant sur ses eaux.

L’aven grossit soudain et devient un port, une rivière immense qu’une promenade borde de vieux chênes centenaires à l’écorce décharnée, torturée comme sculptée. Le temps à laissé là ces vieux arbres dégénérés, patriarches que veille un parterre de rochers.

Au soleil couchant…

Se laisser transporter par la radiance des cieux. Doux rayons qui s’évanouissent dans les terres, dans la mer et embrasent sur leur passage paysages et nuages.

Le granit est à nu, les pompons dansent au vent, petit air d’embruns sur un ciel mordoré. L’heure est à se poser et regarder face à face le bel astre s’éteindre et brûler de ses feux et nos yeux et les cieux.

Rester là jusqu’à l’ombre, jusqu’au souffle gelé d’un zéphyr esseulé. Frissonner et partir, abandonner le rocher où on s’était fixé et repartir dans le soir les yeux encore brumeux du souvenir bleuit d’un ami disparu.

à mon ami Barry

La Paix Saint Maurice

Quel calme, quelle paix que ce bout d’Abbaye à l’histoire effacée…

Sous les frontons des tilleuls, sous le regarde acide des pommiers rustiques, dans ces ruines de granit. On y resterait bien à regarder la nature, à ressentir le temps qui file doucement entre nos doigts, à travers les feuilles.

Là-haut le vent s’engouffre dedans des arbres centenaires, joue dans leurs frondaisons, en ploie les cimes immenses et nous toise du haut des faites, fourmis affolées devant l’éternité.

Être là, se sentir petit, tout petit, écrasé par l’histoire, enseveli sous la pierre et se sentir en paix, se sentir juste là, juste comme cela, sans autre raison que celle de respirer, de voir, de contempler…

Tous les frondaisons des tilleuls, la brise sur la peau, le soleil sous les nuages, la Laïta devant soi…

Quimperlé au Soleil

L’église en granit au milieu de la place, la Bretagne nous accueille, nous dévoile ses ruelles, ses mystères, ses belles pierres.

Perrons de granit qui s’enfonce dans l’eau brune, allées de verdures qui serpentent le long du cours, roses trémières dans les ruelles médiévales, monastère opulent, effondré, reconstruit…

C’est un petit écrin, une ville de granit et d’eau, de fleurs et d’arbres, de pentes et de ponts. Quimperlé est ancienne, elle est mal dégrossie, c’est une rude campagne qui fleure bon les embruns.

Nul calcaire ici-bas, cette roche fine et souple qu’on dessine, qu’on ciselle, que les feux du soleil caressent et lèchent avec avidité. Ici c’est le granit la pierre souveraine. Rèche, rude, rugueuse, elle n’aime pas les caresses, elle accroche la lumière et l’enferme dans ses creux, dans ses rides de vieille dame.

La ville lui ressemble, rustique, brutale, de ces bourgs d’antans où mieux vaut s’arrimer quand approche la tempête. Tendons donc l’oreille pour y entendre encore le craquement des charrettes, les roues sur les pavés, le beuglement des gens dans les ruelles étroites bordées de colombages.

In Memoriam

La mémoire s’accroche, de ces tout petits riens qui s’effilochent dans l’océan d’une vie bien remplie… Les souvenirs s’étirent et nous reviennent sans rien qu’on leur demande.

C’est ainsi que m’apprêtant au départ en vacances m’accompagne comme chaque été une casquette bleue aux couleurs norvégiennes. Cadeau d’une autre vie, rappel d’un ancien couple d’une vie depuis longtemps oubliée.

Ainsi s’ouvrent les portes d’un passé qui n’est plus, il n’en fallait pas plus pour que l’histoire ne s’en mêle et que pêle-mêles ne se succèdent les images : Tallinn, Milan, Londres, Paris… Morcellements d’une amourette, rappels sans lendemain d’un ex nommé Damien.

Que devient-il ? Quelle vie a-t-il ? Aussitôt m’assaillent mille questions ; curiosité sans borne pour un être qui, un instant plus tôt, avait fuit mes pensées, qu’on croyait remisé dans une cave, un placard, un de ces endroits sombres que la mémoire nous offre pour faire un peu de place au futur qui défile et ne cesse chaque instant de repousser les murs.

La vie est bien étrange, en à peine 40 ans, l’impression d’en avoir vécu tant et tant, d’en avoir oublié pas mal. Et voilà qu’en à peine un soupir, s’ouvrent des armoires pleines de ces photos, gorgées jusqu’à plus faim des visages, des images, des sensations surannées…

Le coeur bat un peu plus vite puis se calme et contemple les années. Encore quelques chemins et cette sensation reviendra, familière, ce goût de doux amer d’un passé oublié.

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